Pour notre dernier déjeuner littéraire de 2025, organisé en partenariat avec la ville d’Arras, nous saluons la présence de M. Arnaud Michel Conseiller délégué aux relations internationales, aux affaires européennes et à la mémoire, mais aussi avec l’AR 15 de l’IHEDN dont le Président Christian Drelon, membre de notre délégation et avec l’APEPAC (l’association pour la Protection de l’Environnement et la Promotion des Arts et de la Culture) dont le Président Denis Lamy, membre de notre délégation et notre Lauréat.
Notre déjeuner littéraire d’aujourd’hui est dédié au Chant des partisans, ce chant qui est devenu le symbole de la Résistance française. Nous recevons M. Sylvain Charat, et son épouse, venus du Luxembourg, auteur de l’ouvrage « le Chant des partisans : Histoire de l’Hymne de la Résistance française » paru aux Éditions de la Renaissance Française en 2024, ainsi que Mme Julia Vdovina, soprano, qui nous interprètera en deux langues ce chant mythique.

Dans son introduction, Zoya Arrignon, nous présente Anna Marly à qui nous devons la naissance de cet hymne.
Anna Iourievna Smirnova, née Betoulinskaïa, voit le jour en 1917 à Petrograd (actuel Saint-Pétersbourg), à quelques jours de la prise du Palais d’Hiver par les Bolchéviques. Après l’assassinat de son père, elle fuit la Russie avec sa famille et s’installe d’abord à Menton puis à Meudon. À Paris, elle débute une carrière artistique sous le pseudonyme d’Anna Marly, patronyme qu’elle choisit dans l’annuaire téléphonique pensant que son nom russe Betoulinskaïa serait très difficile à prononcer. Elle danse dans les Ballets russes, elle suit des cours de chant au Conservatoire. Elle devient même « Vice miss Russie » dans le concours de beauté organisé par la revue « la Russie illustrée » à Paris.
Sa guitare, cadeau de sa nounou, l’accompagnera partout et jouera un rôle important dans sa vie. Elle se produit avec cette guitare et avec un petit répertoire qu’elle s’est créée, à Paris, à Bruxelles et à La Haye. C’est lors de son séjour en Hollande, qu’elle rencontre celui qui deviendra en 1939 son mari, le baron van Doorn, diplomate hollandais.
La même année, elle sera la benjamine de la SACEM (Société des Auteurs, Compositeurs et Éditeurs de Musique).
Lorsque la guerre éclate, le couple se réfugie à Londres. Anna s’engage auprès des Forces Françaises Libres et chante régulièrement pour les alliés, et notamment sur les ondes de la BBC dans l’émission « Les Français parlent aux Français ».
Marquée par les combats sur le front russe, elle compose en russe « La Marche des partisans », future base du « Chant des partisans ».
Après la guerre, elle connaît le succès en France, compose notamment pour Édith Piaf, puis part vivre en Amérique du Sud, où elle rencontre son second mari, Yuri Smirnov. Elle poursuit sa carrière entre concerts, compositions (près de 300 chansons), poèmes, fables et mémoires.
Honorée à de nombreuses reprises -Ordre national du Mérite (1965), Légion d’honneur (1985)- elle interprète une dernière fois le « Chant des partisans » en 2000 aux Invalides. Anna Marly décède en 2006 en Alaska, à 88 ans.

En hommage à Anna Marly, nous écoutons une remarquable interprétation de ce célèbre chant en russe et en français par Julia Vdovina, soprano russe, soliste du chœur de la Cathédrale orthodoxe de la Sainte-Trinité à Paris
Mais comment « La marche des partisans » en russe est devenue « Le chant des partisans » en français.
Sylvain Charat, Professeur d’histoire au Grand-Duché de Luxembourg, Docteur en Histoire (Paris IV), nous le raconte dans son livre.
La création de l’hymne de la Résistance française est due à des personnages hors du commun dont voici les principaux protagonistes.

Joseph Kessel (1898-1979) correspondant de guerre, aviateur, journaliste, écrivain et futur académicien, son neveu, Maurice Druon (1918-2009) écrivain et homme politique également futur académicien, et de deux femmes artistes, Anna Marly et Germaine Sablon (1899-1985) célébrité de la chanson française des années 1930 et 1940 et, enfin, d’un aristocrate français Emmanuel d’Astier de la Vigerie (1900-1969) écrivain, journaliste, homme politique.
Joseph Kessel et Emmanuel d’Astier de la Vigerie, dont les personnalités étaient très différentes mais unies par une ancienne addiction commune à l’opium et autres drogues, devinrent proches dans les années 1930. Leur amitié jouera un rôle essentiel dans la genèse du « Chant des partisans ».
En 1942-43, alors que les Alliés débarquent en Afrique du Nord et que Jean Moulin unifie les mouvements de résistance, Joseph Kessel, Maurice Druon et Emmanuel d’Astier de la Vigerie se retrouvent à Londres. Ils sont chargés de participer à l’effort de propagande de la France libre. C’est là, en mai 1943, en un après-midi, qu’ils adaptent en français la mélodie d’Anna Marly, initialement dédiée aux combattants de l’Armée russe. Les paroles sont originales et non une traduction de la version russe.
La première interprète en sera Germaine Sablon, qui a rejoint Londres par des voies périlleuses pour suivre Joseph Kessel.
La chanson, dont une partie est sifflée (procédé qui permet de passer à travers le brouillage allemand), devient rapidement l’indicatif de l’émission « Honneur et Patrie » sur la BBC. Le public est immédiatement frappé et l’air se diffuse rapidement dans les maquis, devenant un signe de reconnaissance et surtout l’hymne unificateur de la Résistance.
C’est ainsi que la naissance du « Chant des partisans » accompagne politiquement l’unification des réseaux résistants, scellée par la création du Conseil National de la Résistance, sous l’autorité du général de Gaulle.
Né d’une inspiration russe, d’une mélodie d’Anna Marly, de la voix de Germaine Sablon et des mots de Joseph Kessel et Maurice Druon, avec l’impulsion d’Emmanuel d’Astier de la Vigerie, le « Chant des partisans » devient dès 1943 un symbole puissant de la France combattante et cesse d’appartenir à ses créateurs pour devenir l’hymne d’un peuple en armes.
« On ne gagne la guerre qu’avec des chansons » Emmanuel d’Astier de la Vigerie

Après ce déjeuner Sylvain Charat, son épouse et Julia Vdovina ont bénéficié d’une visite guidée des places d’Arras.

